December 4, 2014 | News | En français

Gilenya n’atteint pas son objectif dans une étude sur la forme progressive primaire de la SP

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Même s’il existe de nombreux médicaments pour traiter la sclérose en plaques rémittente (SPR), aucun médicament ne s’est révélé efficace pour traiter la forme progressive primaire de la SP (SPPP), la forme la plus invalidante qui touche de 10 à 15 % des personnes atteintes de la SP. Malheureusement, Gilenya (fingolimod) a maintenant rejoint la longue liste des médicaments qui ne sont pas efficaces contre la SPPP, d’après un communiqué de presse publié par Novartis, le fabricant de Gilenya (https://www.novartis.com/news/media-releases/novartis-provides-update-fingolimod-phase-iii-trial-primary-progressive-ms-ppms).

Dans l’étude de phase III INFORMS, Gilenya (fingolimod) administré pendant au moins trois ans, n’a pas démontré une efficacité plus grande que le  placebo pour trois mesures de l’incapacité combinées. Ces mesures étaient la progression de l’incapacité selon le score EDSS (Expanded Disability Status Scale), qui évalue l’incapacité sur une échelle de 0 à 10; le test des 9 chevilles (9-Hole Peg Test), qui évalue le fonctionnement des membres supérieurs; et le test de marche chronométrée qui mesure la vitesse de marche sur 25 pieds.. Gilenya n’a pas plus efficace  qu’un placebo pour ralentir la progression de l’incapacité. Aucune donnée n’a été publiée.

On espérait que les effets uniques de Gilenya sur le système immunitaire se révèleraient bénéfiques dans la SPPP. Cela ne semble pas être le cas, et il est probable que ces résultats relancent d’anciens débats sur la nature de la SPPP et sur la meilleure façon de la traiter.

Dans la SPR, des cellules immunitaires anormalement activées (cellules T et B) envahissent le système nerveux central (SNC) et causent de l’inflammation et des lésions. Ces foyers d’inflammation apparaissent comme des lésions à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Tous les médicaments utilisés pour traiter la SP diminuent l’inflammation, à divers degrés, par divers mécanismes. Dans le cas de Gilenya, les lymphocytes T agressifs, emprisonnés dans les  ganglions lymphatiques, ne peuvent envahir le SNC, ce qui a pour effet de limiter les dommages. Le résultat espéré est que, alors que la SP évolue tout au long de la vie du patient, qu’il  y ait moins de nouvelles lésions, ce qui  signifieraient moins d’incapacité pendant les années à venir.

Même si l’incapacité évolue sur de nombreuses années chez les personnes atteintes de SPR, la situation est très différente chez les personnes atteintes de SPPP. La SPPP survient presque aussi souvent chez l’homme que chez la femme (contrairement à la SPR, qui est 3 fois plus fréquente chez la femme), et cette forme de la maladie est généralement diagnostiquée lorsque les patients sont à la fin de la trentaine ou au début de la quarantaine (soit environ 10 ans plus tard que dans le cas de la SPR). Ces patients n’ont pas nécessairement de poussées et l’incapacité apparaît plus précocement et évolue plus rapidement. (Tremlett et ses collaborateurs. Neurology 2005;65:1919-1923).

Puisque les épisodes inflammatoires (poussées) touchent seulement une minorité des personnes atteintes de SPPP, les chercheurs se sont demandés si la SPR et la SPPP reflètent différents aspects d’un même processus ou sont plutôt deux maladies différentes qui ont certaines ressemblances. À l’heure actuelle, on s’entend généralement pour dire que la SPPP est le même processus pathologique, observé à un  stade plus avancé (Confavreux et Vukusic. Rev Prat 2006;56:1313-1320). Aucune différence génétique entre la SPR et la SPPP n’a été trouvée (Ratzer et ses collaborateurs. Mult Scler 2013;19:1841-1848; Cree BA. Brain 1999;122[Pt 10]:1941-1950). Les types de dommages sont comparables (Antel et ses collaborateurs. Acta Neuropathol 2012;123:627-638).  Et même si l’incapacité survient plus rapidement dans la SPPP parce que la SPPP est diagnostiquée plus tard, les patients atteints de SPPP et de SPR atteignent le même degré d’incapacité à peu près au même âge.

Il existe de nombreuses théories sur la nature de la SPR et de la SPPP. Dans la SPR, l’incapacité est initialement attribuable aux dommages causés par les poussées inflammatoires. Cela peut par la suite déclencher le processus neurodégénératif qui prédomine dans la phase progressive secondaire de la SP. Toutefois, la neurodégénérescence observée dans la SPPP peut survenir en grande partie indépendamment des poussées inflammatoires, ce qui amène les chercheurs à se demander s’il existe deux processus distincts – soit l’inflammation et la neurodégénérescence – dans la SP (Losy J. J Neural Transm 2013;120:1459-1462).

Une notion apparue ces dernières années est que l’inflammation focale (les lésions observées à l’IRM) déclenche une deuxième réaction immunitaire dans le cerveau qui prend la forme d’une inflammation plus diffuse, et que c’est cette inflammation étendue et pratiquement non décelable qui provoque la neurodégénérescence (Kutzelnigg et ses collaborateurs. Brain 2005;128[Pt 11]:2705-2712).

C’est à ce niveau que Gilenya devrait agir et c’est pourquoi on espérait que le traitement soit bénéfique contre la SPPP. Certaines données portent à croire que Gilenya, en agissant directement sur le processus immunitaire dans le cerveau, peut moduler cette inflammation diffuse (Brinkmann V. Br J Pharmacol 2009;158:1173-1182).

Pourquoi Gilenya n’a-t-il pas répondu aux attentes?

Une des raisons pourrait être l’étude elle-même. L’étude comprenait un large éventail de personnes (âgées de 25 à 69 ans), ayant divers degrés d’incapacité (allant d’un score EDSS de 3,5 [incapacité modérée] à un score de 6,0 [incapacité nécessitant une canne]) et qui étaient atteintes de SP depuis plus ou moins longtemps (de 2 à 10 ans). Certaines personnes auraient eu des poussées, d’autres non. Ainsi le signe d’un effet thérapeutique a peut-être été masqué par un bruit de fond. (Les analyses par sous-groupe vont certainement passer les résultats au peigne fin pour vérifier si certains patients ont retiré des bienfaits du traitement.) En outre, l’étude comptait 970 patients, un nombre peut-être insuffisant pour déceler un effet sur l’incapacité (Harding et ses collaborateurs. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2014; publié en ligne le 14 mai 2014).

Reconnaître l’aggravation d’une incapacité et l’effet ou le manque d’effet d’un traitement est, on le sait, très difficile dans la SPPP. L’échelle EDSS n’a pas une sensibilité suffisante pour mettre en évidence les changements à court terme. Le score EDSS d’un patient peut fluctuer avant le début d’une étude, il peut donc être difficile de déterminer la valeur de départ exacte (Zhang et ses collaborateurs. Mult Scler 2013;19:775-781). L’ajout de mesures supplémentaires de l’incapacité (comme le test des 9 chevilles et le test de marche chronométrée sur 25 pieds) améliore le dépistage de l’aggravation de l’incapacité (Bosma et ses collaborateurs. Mult Scler 2012;18:345-350). Mais ces mesures sont plus significatives sur une période de temps plus longue. L’établissement d’une incapacité permanente après six mois ou un an peut être un meilleur indicateur qu’après trois mois (Zhang et collaborateurs. Mult Scler 2014;20:1494-1501), ce qui était la durée utilisée dans l’étude INFORMS. Une étude plus longue aurait peut-être permis de mettre en évidence un effet bénéfique du traitement.

Bien sûr, toutes les études ont des limites, mais il se pourrait simplement que Gilenya ne soit pas efficace dans le traitement de la SPPP. Malheureusement, cette situation n’est pas unique. Au cours des dernières années, on a montré de plusieurs autres médicaments pour traiter la SP qu’ils n’étaient efficaces contre la SPPP, notamment Avonex (Leary et ses collaborateurs. Neurology 2003;60:44-51), Copaxone (Wolinsky et ses collaborateurs. Mult Scler 2004;10 Suppl 1:S65-71), la cladribine (Rice et ses collaborateurs. Neurology 2000;54:1145-1155) et le rituximab (Hawker et ses collaborateurs. Ann Neurol 2009;66:460-471).

Trouver un traitement efficace qui peut ralentir la progression de l’incapacité dans la SPPP est la tâche la plus urgente pour la recherche dans le domaine de la SP. Des études pilotes sur la SPPP ont été menées avec certains autres traitements, notamment Tysabri (Romme Christensen et ses collaborateurs. Neurology 2014;82:1499-1507), Tecfidera (Strassburger-Krogias et ses collaborateurs. Ther Adv Neurol Disord 2014;7:232-238) et le masitinib (Vermersch et ses collaborateurs. BMC Neurol 2012;12:36). Une étude de phase III sur le traitement par Tysabri dans la SPPP est en cours et les résultats sont attendus en décembre 2015.


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