Entreprendre un traitement de la SP par voie orale – dans quelle mesure les médicaments administrés par voie orale sont-ils sûrs?
Lorsqu’elles débutent un traitement contre la sclérose en plaques, de nombreuses personnes optent maintenant pour un médicament administré par voie orale comme solution de rechange plus facile et moins douloureuse aux vieux médicaments injectables. Deux traitements, soit Aubagio et Tecfidera, sont les médicaments de prédilection les plus fréquents. (Au Canada, Gilenya [fingolimod] est gardé en réserve comme traitement de deuxième intention, bien qu’il soit utilisé en traitement initial dans certains pays.) Le principal avantage des médicaments injectables était leurs antécédents en matière d’innocuité. Les interférons (Betaseron / Extavia, Avonex et Rebif) et Copaxone sont utilisés depuis vingt ans et ont été associés à un petit nombre d’effets indésirables à long terme.
Comme Aubagio et Tecfidera sont des traitements plus récents contre la SP, il est raisonnable de se demander si leur innocuité sera à la hauteur de celle des médicaments injectables.
Aubagio (tériflunomide) : Ce médicament est un dérivé de Arava (léflunomide), un médicament homologué par la Food and Drug Administration des États-Unis en 1998 pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Le développement clinique d’Aubagio ayant commencé quelques années plus tard, on dispose donc de renseignements sur l’innocuité provenant des participants à la phase de prolongation de l’étude de phase II initiale qui prennent le médicament depuis les 12 dernières années (Kremenchutzky et ses collaborateurs. AAN 2015; résumé P7.223). Durant cette période d’observation, aucun effet indésirable nouveau ou inattendu ne s’est manifesté. Les effets indésirables les plus fréquents étaient les suivants : congestion nasale, engourdissement des mains et des pieds, fatigue, faiblesse musculaire et infections des voies respiratoires supérieures. Environ 18 % des participants ont abandonné le traitement durant la période de 12 ans à cause d’effets indésirables.
On a également examiné l’innocuité en se penchant sur les données regroupées de quatre essais et phases de prolongation (Leist et ses collaborateurs. AAN 2015; résumé P7.268). Encore une fois, aucun problème d’innocuité inattendu n’est survenu. Les effets indésirables les plus fréquents étaient les suivants : raréfaction des cheveux, diarrhée, augmentation du taux d’enzymes hépatiques, nausées et céphalées. Aubagio n’a été associé à aucune augmentation du risque d’infections, ce qui n’est pas le cas de nombreux autres médicaments contre la SP. Rien n’indique non plus qu’Aubagio est associé à un risque de cancer.
Un problème d’innocuité potentiel est l’effet d’Aubagio sur le foie, en raison des effets toxiques sur le foie observés chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde qui recevaient Arava. L’innocuité d’Aubagio sur le foie a été examinée dans une analyse de tous les sujets participant au programme de développement clinique (Marziniak et ses collaborateurs. EAN 2015; résumé P1254). La fonction hépatique a été évaluée au moyen d’analyses sanguines permettant de mesurer le taux d’enzymes hépatiques (si ce taux est élevé, il y a un risque d’atteinte hépatique). Globalement, 2,2 % des personnes recevant Aubagio ont présenté une augmentation grave du taux d’enzymes hépatiques (comparativement à 2,7 % des personnes recevant un placebo). Après six années de traitement, environ 6 % des personnes ont dû cesser le traitement à cause de ce problème. Bien que les troubles hépatiques soient généralement légers et disparaissent spontanément, il est important de procéder à des analyses sanguines périodiques pour s’assurer qu’il n’y a aucune atteinte du foie. (Des analyses sanguines périodiques sont également nécessaires pour la même raison chez les personnes qui prennent un interféron.)
Tecfidera (fumarate de diméthyle, diméthylfumarate ou DMFu) : Diverses formulations de fumarate ont été utilisées pour traiter le psoriasis en Europe au cours des cinquante dernières années, bien qu’elles n’aient jamais été homologuées en Amérique du Nord. On ignore dans quelle mesure les données sur le fumarate sont applicables à Tecfidera. L’innocuité à plus long terme de Tecfidera a été examinée dans une analyse portant sur les participants à deux essais de phase III qui ont poursuivi le traitement dans l’étude de prolongation ENDORSE (Pozzilli et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P066). Globalement, les effets indésirables les plus fréquents observés chez les participants recevant Tecfidera étaient les suivants : congestion nasale, infection des voies urinaires, céphalées, infection des voies respiratoires, bouffées vasomotrices, nausées / vomissements et diarrhée. Comme la fréquence du cancer était faible et similaire à celle observée chez les participants recevant un placebo, on pense donc que cela ne pose pas de problème.
Environ 6 % des participants ont cessé le traitement en raison d’effets indésirables dans les 40 premiers mois de traitement. La majorité de ces effets indésirables se sont manifestés dans les six premiers mois du traitement et étaient principalement causés par des bouffées vasomotrices ou des troubles d’estomac. Par conséquent, tolérer le médicament peut être difficile, mais il semble y avoir un faible risque d’effets indésirables graves.
La LEMP (leucoencéphalopathie multifocale progressive), une infection du cerveau potentiellement mortelle, est un problème d’innocuité plus important qui a fait son apparition récemment chez les patients traités par Tecfidera. Deux cas de LEMP (dont un mortel) ont été signalés jusqu’à maintenant chez les patients traités par Tecfidera, et plusieurs autres cas ont été observés chez des personnes recevant du fumarate pour traiter le psoriasis. Le risque estimé de LEMP est très faible, mais une mise en garde au sujet de maladie a été ajoutée dans la monographie de produit américaine en décembre 2014. (Une mention du risque de LEMP a aussi été ajoutée dans la monographie de produit américaine de Gilenya en juin 2015.)
Selon l’opinion actuelle, la LEMP serait attribuable à une diminution persistante du nombre de globules blancs (appelée lymphopénie), qui indique que le système immunitaire est compromis et incapable de lutter contre le virus qui cause la LEMP. Cependant, l’histoire ne s’arrêterait pas là. Il y a eu au moins un cas de LEMP chez une personne recevant du DMFu autre que de marque qui n’était pas atteinte de lymphopénie (Nieuwkamp et ses collaborateurs. N Engl J Med 2015;372:1474-1476), ainsi que des cas de réactivation d’autres infections virales (comme l’herpès) (van Kester et ses collaborateurs. N Engl J Med 2015;373:583-584). Les résultats des analyses sanguines périodiques peuvent indiquer qu’un problème est sur le point d’apparaître, mais ils ne permettent pas de dresser le portrait complet de la situation. Dans les essais cliniques, environ 6 % des participants présentaient une diminution persistante du nombre de globules blancs, bien que des taux plus élevés (28 % dans une étude) aient été signalés dans des centres de SP (Longbrake et Cross. AAN 2015; résumé P3.240).
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