September 24, 2015 | News | En français

Que signifie « à efficacité accrue »?

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Pendant un peu plus de dix ans, les seuls médicaments pour contrer le processus évolutif de la SP étaient les interférons bêta (Avonex, Betaseron / Extavia, Rebif) et Copaxone. Ces médicaments avaient trois points en commun : ils devaient tous être injectés, ils n’étaient généralement associés à aucun effet indésirable grave et ils étaient moins efficaces que les nouveaux traitements. La fréquence et la gravité des poussées diminuaient chez certaines personnes, mais il a été très difficile de démontrer que ces médicaments ont vraiment eu un effet sur l’incapacité à long terme. Le faible risque auquel ils étaient associés incitait les patients à entreprendre un traitement mais, devant le peu de bienfaits qu’ils en retiraient, la plupart des patients arrêtaient leur médication dès les premières années (de traitement) (Wong et ses collaborateurs. Can J Neurol Sci 2011;38:429-433).

La démarche thérapeutique a commencé à changer il y dix ans, avec l’arrivée de Tysabri, le premier médicament « à efficacité accrue ». Betaseron diminuait d’un tiers la fréquence des poussées (Groupe d’étude sur l’IFNB. Neurology 1995;45:1277-1285) alors que Tysabri diminuait de deux tiers la fréquence des poussées (Polman et ses collaborateurs. N Engl J Med 2006;354:899-910). De plus, le passage d’un médicament injectable à Tysabri s’est aussi révélé bénéfique pour obtenir une meilleure maîtrise de la maladie (Kalincik et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P288). Il semble que ces bienfaits durent au moins cinq ans, bien que les données à long terme sur Tysabri soient très sommaires (Butzkeuven et ses collaborateurs. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2014;85:1190-1197).

Cependant, la question à savoir si les patients peuvent prendre Tysabri sans danger pendant cinq ans est une autre histoire. Tysabri est associé à la LEMP (leucoencéphalopathie multifocale progressive), et le risque d’apparition de cette infection cérébrale potentiellement mortelle augmente avec l’exposition cumulative au médicament. Chez les personnes qui présentent tous les facteurs de risque connus, le risque d’apparition de la LEMP entre la 2e et la 4e année de traitement est de 1 à 2 %, et ce risque continue probablement d’augmenter par la suite.

En raison de ce risque, Tysabri est généralement réservé aux personnes qui en ont vraiment besoin, c’est-à-dire à celles qui ont des poussées fréquentes et sévères et dont les capacités fonctionnelles se détériorent tôt, et à celles qui n’ont pas répondu de façon assez satisfaisante aux autres médicaments contre la SP. Son principal avantage est sa capacité à enrayer très rapidement l’inflammation dans le cerveau et la moelle épinière, et il s’est révélé un palliatif précieux pour les patients avec une maladie active. Son principal désavantage est que, en raison du risque cumulatif de LEMP, il est souvent préférable d’arrêter le traitement après 2 ans, et sevrer les patients de Tysabri n’est pas une mince affaire. Chez la plupart des patients, les gains qui ont été faits sont perdus après l’arrêt du traitement, même si un autre traitement est entrepris (Sangalli et ses collaborateurs. Mult Scler Relat Disord 2014;3:520-526). Certains ont soutenu que la perte des gains réalisés est une bonne raison de ne pas cesser le traitement par Tysabri (Clerico et ses collaborateurs. JAMA Neurol 2014;71:954-960), mais cette perte serait une meilleure raison pour ne pas entreprendre un traitement par ce médicament.

Faire un compromis entre des bienfaits plus grands et des risques plus élevés peut être acceptable si la SP est susceptible de s’aggraver rapidement, et s’il n’y a aucune autre option. Cependant, il existe trois médicaments déjà sur le marché ou en cours de mise au point qui constituent de bonnes solutions de rechange.

Le premier est Gilenya, dont l’efficacité significativement plus élevée que celle d’Avonex, a été démontrée dans un essai de comparaison directe (Cohen et ses collaborateurs. N Engl J Med 2010;362:402-415). Il semble que ce médicament soit également efficace lorsque le patient cesse le traitement (à )Tysabri, si le passage d’un traitement à l’autre se fait suffisamment rapidement, c’est-à-dire si pas plus de 2 à 3 mois ne s’écoulent entre les deux traitements (Kappos et ses collaborateurs. Neurology 2015;85:29-39). Les principaux problèmes associés à Gilenya sont les effets qu’il a sur le cœur au début du traitement et qui exigent une période d’observation de six heures lors de l’administration de la première dose, ainsi que les troubles oculaires qu’il provoque chez certaines personnes et qui nécessitent de procéder régulièrement à un examen de la vue. La LEMP est une nouvelle difficulté à laquelle les patients sont confrontés. À ce jour, 11 cas de LEMP ont été signalés chez des patients atteints de SP qui sont passés de Tysabri à Gilenya (Putzki et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé FC3.1); dans certains de ces cas, il semblait s’agir d’un vestige de l’exposition à Tysabri. Trois autres cas de LEMP ont également été signalés chez des personnes traitées par Gilenya qui n’avaient jamais reçu Tysabri. Le risque de LEMP chez les patients traités par Gilenya semble minime (environ 1 cas sur 10 000), mais il doit quand même être envisagé.

Le médicament contre la SP le plus puissant est Lemtrada, qui agit essentiellement en réamorçant la réponse immunitaire anormale. Deux essais cliniques ont montré que Lemtrada était environ 50 % plus efficace que Rebif pour maîtriser les poussées (Cohen et ses collaborateurs. Lancet 2012;380: 1819–1828; Coles et ses collaborateurs. Lancet 2012; 380:1829–1839). Le médicament est administré sous la forme d’une série de perfusions intraveineuses réparties sur une semaine, suivie d’une deuxième série de perfusions un an plus tard. Jusqu’à maintenant, la plupart des personnes traitées n’ont eu besoin que de deux séries de perfusions, mais il est probable qu’elles auront besoin d’un traitement supplémentaire (une autre série de perfusions de Lemtrada ou un autre médicament) à un moment donné.

Le principal avantage de Lemtrada est son effet sur l’incapacité. À quatre ans (c.-à-d. deux ans après l’administration de la dernière dose dans la plupart des cas), environ 75 % des patients ne présentaient aucune aggravation de leur incapacité (Havrdova et ses collaborateurs. AAN 2015; résumé P7.276). En fait, 40 % des patients présentaient une incapacité moins grande qu’avant de commencer le traitement par Lemtrada. Aucun cas de LEMP n’a été observé avec Lemtrada, mais ce médicament est associé à un risque d’autres types d’infections, notamment d’infections virales (p. ex., poussées d’herpès labial). Environ le tiers des patients présentent un trouble thyroïdien qui peut nécessiter un traitement (Hartung et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P043). On doit aussi procéder régulièrement à des analyses de sang parce que ce médicament peut avoir de graves effets sur le sang et le foie.

Les médicaments (appelés ocrélizumab et ofatumumab) qui ciblent la réponse anormale des lymphocytes B (plutôt que celle des lymphocytes T) constituent la troisième option thérapeutique à efficacité accrue. Les données finales n’ont pas encore été présentées, mais les résultats préliminaires semblent très prometteurs. Dans les études OPERA, il a été démontré que l’ocrélizumab procure une meilleure maîtrise de la maladie que Rebif. Les résultats complets seront présentés en octobre 2015. Dans l’étude MIRROR sur l’ofatumumab, une diminution substantielle des lésions inflammatoires dans le cerveau a été observée (Sorensen et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P048). Aucun effet n’a été observé sur les poussées ou l’incapacité, mais d’autres études devront être menées une fois la dose la plus efficace établie.

On ne sait pas encore dans quelle mesure les médicaments qui ciblent les lymphocytes B seront sûrs. Les deux médicaments ont été utilisés pour traiter d’autres maladies, et des cas de LEMP ont été signalés. Comme d’autres maladies virales peuvent aussi être réactivées, ce problème devra faire l’objet d’un étroit suivi. Il existe d’autres problèmes d’innocuité, notamment un risque d’infections mortelles qui a mené à l’annulation d’un traitement par l’ocrélizumab contre la polyarthrite rhumatoïde.

Bien que l’innocuité soit toujours une préoccupation, une surveillance plus étroite par des analyses sanguines régulières et d’autres examens peut contribuer à ce qu’aucun problème ne survienne chez les patients. Les analyses et examens supplémentaires sont peut-être dérangeants mais, en échange, on a la possibilité de maîtriser de façon plus complète le processus morbide de la SP, de maintenir une capacité fonctionnelle suffisante pour mener les activités de la vie quotidienne et de ralentir le développement de l’incapacité.


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