Lemtrada est approuvé par la FDA
Bien des choses peuvent changer en un an.
Il y a exactement un an, les messages contradictoires de la Food and Drug Administration des États-Unis sur Lemtrada (alemtuzumab) plongeaient le milieu de la SP dans la perplexité. Le comité consultatif de la FDA avait voté qu’il y avait des preuves solides que Lemtrada était efficace dans le traitement de la sclérose en plaques. Toutefois, le comité avait aussi déclaré que les études cliniques d’où les preuves étaient tirées laissaient à désirer, et donc que le médicament ne serait pas autorisé aux États-Unis (voir l’article intitulé Lemtrada hits speed bump on road to approval, site MSology, 20 novembre 2013). Genzyme, le fabricant du médicament, a donc soumis à nouveau la demande avec de nouvelles analyses et des données à plus long terme.
Cette persévérance a été récompensée. La FDA est revenue sur sa décision et a autorisé la commercialisation de Lemtrada aux États-Unis. Lemtrada a déjà été approuvé pour le traitement de la SP en Europe, au Canada, en Australie et dans d’autres pays.
D’une certaine manière, la persistance semble être le maître-mot pour décrire l’histoire de ce médicament. Au début des années 1980, l’alemtuzumab a été l’un des premiers anticorps monoclonaux mis au point. Mais il lui aura fallu passer par deux Cambridge et attendre deux décennies pour aboutir. Le premier Cambridge était le laboratoire de pathologie de Cambridge au Royaume-Uni où le médicament a été élaboré sous le nom CAMPATH-1. Le British National Research and Development Council a acquis les droits du médicament et a concédé une licence à Wellcome Biotech. Il a été testé une première fois dans le traitement de la SP en 1991 (Moreau et ses collaborateurs. Lancet 1994;344:298-301).
Après une série d’accords de licence, l’alemtuzumab a été acquis par Genzyme et la recherche s’est transportée à Cambridge, au Massachusetts. Une étude clinique de phase II appelée CAMMS223 (pour Campath-1H in MS) a montré les bienfaits ainsi que les risques potentiels du nouveau traitement (CAMMS223 Trial Investigators and colleagues. N Engl J Med 2008;359:1786-801; article complet gratuit au www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa0802670). L’alemtuzumab a diminué le taux des poussées de 74 % comparativement à Rebif, et 80 % des patients n’ont pas eu de poussées (comparativement à 52 % des patients traités par Rebif). Le risque de présenter une incapacité était réduit de deux-tiers avec l’alemtuzumab comparativement à celui de Rebif. En nombre réel, cela signifie que les patients ont vu leur score d’incapacité diminuer légèrement avec l’alemtuzumab et augmenter légèrement avec Rebif. Toutefois, l’étude a été interrompue plus rapidement que prévu parce que trois personnes ont présenté des complications hémorragiques (appelées purpura thrombopénique immunologique ou PTI).
Les résultats étaient suffisamment prometteurs pour justifier deux études de phase III : CARE-MS I, chez des personnes n’ayant jamais reçu de traitement, et CARE-MS II, chez des personnes qui avaient déjà reçu un autre traitement de fond. Les deux études ont comparé Lemtrada à Rebif (il n’y avait pas de groupe recevant un placebo). Une des particularités était la posologie : Lemtrada est administré par perfusion dans une veine, (comme Tysabri) une fois par jour pendant cinq jours consécutifs, suivi par un traitement de trois jours un an plus tard (donc un total de huit jours de traitement sur une période de deux ans).
Dans l’étude CARE-MS I, le taux annualisé de poussées (une moyenne du nombre de poussées dans le groupe sur une période de deux ans) est passé à 0,18 (moyenne sur deux ans) avec Lemtrada comparativement à 0,39 avec Rebif (Cohen et ses collaborateurs. Lancet 2012;380:1819-1828). Les taux d’incapacité étaient faibles dans l’ensemble et aucune différence n’a été observée entre les médicaments pour cette mesure. Dans l’étude CARE-MS II, le taux annualisé de poussées était plus faible de 50 % dans le groupe traité par Lemtrada que dans celui traité par Rebif (0,26 vs 0,52) (Coles et ses collaborateurs. Lancet 2012;380:1829-1839). Mais plus important encore, la progression de l’incapacité était plus faible de 42 % dans le groupe traité par Lemtrada. En effet, les patients ont montré une légère diminution de leur score d’incapacité. (EDSS)
Après les études CARE-MS, les patients pouvaient participer à une étude de prolongation encore en cours et les résultats après 4 ans (c.-à-d. deux ans de l’étude + deux ans de la prolongation) ont été présentés cette année au congrès du Americas Committee for Treatment and Research in MS et du European Committee for Treatment and Research in MS (ACTRIMS/ECTRIMS).
Dans le groupe de l’étude CARE-MS I, 73 % des patients n’ont pas eu besoin de recevoir un autre cycle de traitement (ils n’ont donc pas été traités au cours des deux dernières années) (Coles et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P090). Le taux de poussées est demeuré faible (taux annuel de poussées de 0,14 à l’an 4) et 83 % des patients n’ont pas présenté d’aggravation de l’incapacité. Dans l’étude de prolongation de CARE-MS II, 68 % des patients n’ont pas eu besoin de recevoir un autre cycle de traitement (Hartung et ses collaborateurs. ECTRIMS 2014; résumé P043). Le taux annuel de poussées a été de 0,23 à l’an 4 et 76 % des patients n’ont pas présenté d’aggravation de l’incapacité.
Ces résultats semblent indiquer que Lemtrada pourrait être le traitement de fond le plus puissant actuellement disponible parmi les médicaments pour traiter la SP. Toutefois, la FDA a signalé un certain nombre de problèmes possibles en matière d’innocuité dont il faut tenir compte. Les patients doivent être surveillés pour déceler des réactions associées à la perfusion jusqu’à deux heures après l’administration du traitement. Certaines personnes ont eu des troubles thyroïdiens ou d’autres affections auto-immunes pendant le traitement, par conséquent des analyses sanguines mensuelles sont nécessaires pendant 48 mois après la dernière dose administrée. (Un traitement antiviral doit être administré pendant les deux mois suivants la perfusion afin de prévenir une poussée d’une infection virale (comme un herpès labial ou un zona). Une analyse d’urine est nécessaire tous les trois mois et un examen annuel de la peau est requis pour dépister les cancers de la peau. Dans l’étude CARE-MS II, un cas de cancer de la peau a été signalé dans le groupe traité par Lemtrada (ainsi qu’un cas dans le groupe traité par Rebif). Le risque est estimé à moins de 1 %.
Afin de s’assurer que Lemtrada est administré correctement, l’accès au médicament se fera par l’intermédiaire d’un programme de distribution contrôlée. L’avis d’approbation de la FDA indique également que Lemtrada devrait être réservé aux personnes qui n’ont pas répondu préalablement de manière optimale à deux traitements de fond pour traiter la SP. Cela contraste avec les recommandations dans les autres pays. Au Canada, Lemtrada peut être utilisé plus tôt – soit après un seul échec de traitement.
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